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En voiture, en avion ou à vélo?

Frédéric Dobruszkes est chercheur FNRS à l’ULB en géographie des transports. Il est spécialiste des questions de mobilité urbaine et à longue distance. Il nous éclaire sur les différents moyens de transport liés au tourisme et leur impact sur l’environnement.

En matière de mobilité touristique, quels sont les moyens de transport privilégiés ?

Frédéric Dobruzkes

Tout dépend des destinations et des groupes sociaux. Pour les destinations à plusieurs centaines de kilomètres, la répartition des moyens de transport se fait en fonction des revenus, du besoin de mobilité sur place et du type de tourisme pratiqué. Par exemple, aller voir des vignobles et des châteaux est compliqué sans voiture. À contrario, il est plus facile d’aller en train pour visiter une grande ville.

Nos choix de transport ont-ils évolué ?

Frédéric Dobruzkes

Oui, selon des indicateurs socio-économiques. Le train et l’avion étaient, à leurs débuts, réservés à une certaine élite. Aujourd’hui, ils se sont partiellement démocratisés. Toutefois, le train a été remplacé par le TGV avec des tarifications similaires aux compagnies aériennes, voire plus chères que ces dernières.

Quel est l’impact des déplacements touristiques sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) ?

Frédéric Dobruzkes

D’après Longuar et al. (2010), les mobilités non liées au travail représentent 87 % des émissions de CO2 des déplacements à longue distance (> 80 km) en France métropolitaine. Attention, ici seul l’impact CO2 est pris en compte, ce qui minore le réel impact climatique du transport aérien.

Peut-on se déplacer en ayant un impact carbone faible, voire nul (écomobilité) ?

Frédéric Dobruzkes

Zéro émission, ce n’est pas possible. Cela défierait les lois de la physique.
La hiérarchie des modes de transport en fonction de leur impact environnemental est bien connue (cf. calculateur CO2-eq de l'ADEME: https://datagir.ademe.fr/apps/mon-impact-transport/, en cochant «Afficher l'impact des traînées» pour l’avion). Le top c’est le train électrique, puis c’est l’autocar, puis c’est la voiture, puis c’est l’avion. Bien sûr, ces chiffres varient en fonction du taux de remplissage; et il faut garder à l’esprit que ces comparaisons ne se basent que sur les émissions directes: la phase de circulation.

Le facteur distance est-il crucial dans le calcul de l’impact carbone d’un déplacement ?

Frédéric Dobruzkes

C’est une loi physique inaliénable: quel que soit le mode de transport, plus vous allez loin, plus vous avez besoin d’énergie. Pour un mode de transport donné, l’impact climatique est plus ou moins proportionnel à la distance parcourue.

Financer les projets qui proposent de compenser notre empreinte carbone lors d’un déplacement a-t-il un réel impact ?

Frédéric Dobruzkes

Cela me semble être une illusion. Ce qui est financé avec ces compensations ce sont, par exemple, la plantation d’arbres (qui n’absorbent du CO2 que pendant leur phase de croissance), ou des installations photovoltaïques dans des pays du Tiers-monde. Elles sont d’une aide sociale notable pour les communautés qui en bénéficient, mais cela ne supprime pas les émissions de GES produits ailleurs.

Comment nous déplacerons-nous dans le futur ? Vers quoi va-t-on ?

Frédéric Dobruzkes

Il y aurait trois scénarios possibles : soit une découverte scientifique majeure qui conduit à un saut technologique vers des mobilités beaucoup moins impactantes pour l’environnement; soit on se déplace autrement, avec les modes de transport les moins impactant et/ou sur des distances réduites; soit rien ne change et la contribution des transports au dérèglement climatique ira croissante. Actuellement, on est dans la tendance du scénario 3.

Longuar, Z., Nicolas, J.-P. & Damien Verry, D. (2010). Chaque Français émet en moyenne deux tonnes de CO2 par an pour effectuer ses déplacements. La revue du CGDD, 172.