Rencontre à distance avec Vanessa De Greef, juriste et Marie-Geneviève Pinsart, philosophe
Marie-Geneviève Pinsart pose le cadre d’entrée de jeu. Une pandémie a une extension spatio-temporelle importante. Et c’est dans ce contexte qu’il faut replacer nos décisions. Que vaut alors ma décision personnelle ou mon intégrité physique face aux autres individus? Deux voies sont possibles pour régler ces questions: éthique et juridique.
La voie éthique nous pousse à faire la balance entre intérêts individuels et collectifs, à l’aide des principes de solidarité et d’équité. Marie-Geneviève Pinsart nous fait toutefois remarquer qu’une autre balance d’intérêts coexiste. Lorsqu’une pandémie mène à une saturation des hôpitaux, un conflit s’installe entre différents intérêts individuels d’une même personne! Je ne me sens pas concerné par une maladie – car elle a peu d’effets sur ma tranche d’âge – mais la donne change lorsque ses effets à long terme limitent les capacités de soins en général. Le conflit est alors entre mon intégrité physique ou ma liberté individuelle, d’une part, et mon droit d’accès à des soins de qualité, d’autre part. Le conflit entre intérêts individuels et collectifs, lui, s’estompe.
Et la voie juridique?
Vanessa De Greef nous explique qu’il n’existe pas expressément de droit fondamental à la (non)-vaccination, mais bien un droit fondamental à la santé qui oblige les États à adopter des mesures pour préserver leurs populations (programme de vaccination et de surveillance de l’épidémie). Il s’agit d’un droit qui a été pensé d’abord par rapport au collectif, même si les individus peuvent s’en saisir. Et ici aussi, la balance se fait entre intérêts individuels (intégrité physique et psychique) et collectifs (avantages d’une couverture vaccinale élevée). Vanessa De Greef constate que la plupart des décisions de justice font primer les intérêts collectifs sur les intérêts individuels. Mais la juriste nous prévient: il ne suffit pas à l’État de dire qu’il poursuit un objectif de santé pour imposer une obligation. Il faut en outre faire un examen de proportionnalité, élément sur lequel elle insistera à plusieurs reprises.
De son côté, Marie-Geneviève Pinsart n’est pas en faveur de l’obligation juridique en matière vaccinale comme première option et lui préfère une responsabilité éthique. L’obligation est utile lorsque la responsabilité n’a pas le temps de s’installer, nuance-t-elle. On comprend alors que la responsabilité éthique, ça se construit. Comment? Par une information claire, transparente, loyale et compréhensible. Avec Vanessa De Greef, elle attire notre attention sur le manque de connaissance de la population à propos des vaccins et les questions de santé en général. Pour Vanessa De Greef, imposer une obligation vaccinale c’est déjà une sorte échec. Mais il ne faudrait pas non plus diaboliser cette option. Selon notre juriste, une obligation peut se justifier si le taux de couverture visé n’est pas atteint. Autre atout: une série d’acteurs se mobilisent et c’est l’occasion d’informer et de sensibiliser contre la maladie visée.
En ce qui concerne les effets secondaires, Marie-Geneviève Pinsart rappelle la balance d’intérêts expliquée précédemment. Elle souligne aussi que des produits entraînant des effets secondaires graves ne devraient en principe pas voir le jour, puisque l’élaboration d’un vaccin suit différentes étapes ponctuées de validations scientifiques. Et le point de vue juridique? La Cour européenne des droits de l’homme a récemment statué sur l’obligation vaccinale et a insisté sur la solidarité sociale. Les effets secondaires des vaccins éprouvés sont acceptés et reconnus. De plus, le bénéfice de la vaccination est tel qu’il est assez net de savoir de quel côté la balance du droit va pencher.