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L'orientation : entre tests et accompagnement humain

L'orientation académique représente un tournant crucial dans la vie des étudiants, souvent accompagné de doutes et de choix difficiles. Pour éclairer ce processus méthodologique, les conseillers d'orientation jouent un rôle central en guidant les élèves/étudiants dans leurs démarches.

Nous avons rencontré Karin D’hoore et Anne Verriest, deux psychologues et conseillères en orientation à l'Université Libre de Bruxelles (ULB), pour discuter des outils et de la méthodologie utilisés dans l'orientation académique des étudiants.

Qui sont Karin D’hoore et Anne Verriest ?

Karin D’hoore est psychologue et conseillère en orientation depuis 2012. Elle travaille à l'ULB depuis 2016. Anne Verriest, également psychologue, travaille à l'ULB depuis 2013 et pilote le projet TEODOR, une plateforme en ligne dédiée à l’aide au choix d’études pour les élèves du secondaire. Leur expérience commune les a amenées à développer des méthodes d’accompagnement individualisé et des outils pratiques pour aider les étudiants à faire face à leurs choix d'orientation.

Test d’orientation ou outil d’orientation ?

Lorsqu'on parle de tests d'orientation, il est important de nuancer le terme. Selon Anne Verriest, la terminologie de "test d’orientation" est erronée. Un test ne mesure pas directement l'orientation d'un étudiant. En réalité, ce sont des outils qui permettent d’évaluer des dimensions spécifiques comme les intérêts, les valeurs ou le type de personnalité. Un test, s’il est validé scientifiquement, peut certes fournir des éléments de réponse, mais n’évalue qu’une facette de la problématique de l’orientation.

Karin D’hoore va dans ce sens, précisant qu'il est plus juste de parler d’outils d’orientation. Ces outils, qu’il s’agisse de tests d’intérêts, de personnalité ou des outils d'aide au choix d'études, permettent aux étudiants d'explorer certains aspects de leur identité en lien avec leurs projets académiques et professionnels.

En quoi consistent ces outils ?

Les conseillers en orientation adoptent une approche personnalisée. Lors du premier entretien, l’objectif est d’explorer le parcours de l'étudiant, ses choix passés et ses difficultés actuelles. Cette première rencontre permet de cerner les besoins spécifiques de l’étudiant. À partir de là, des tâches ou démarches sont proposées.

Lors du second entretien, on analyse les résultats des démarches entreprises, on explore les difficultés rencontrées et on utilise les outils de manière à aider l’étudiant à clarifier ses idées. Les conseillers interviennent alors pour encadrer la réflexion de l’étudiant, en tenant compte des blocages éventuels dans le processus décisionnel de l’étudiant.

Quels outils d’orientation sont utilisés à l’ULB ?

L'ULB met à disposition de ses étudiants plusieurs outils d'orientation. Le "Carnet des Études Supérieures" est l'un des plus importants : il recense toutes les formations disponibles dans les universités, les hautes écoles, les écoles d'arts et les écoles d’enseignement pour adultes en Belgique francophone, et permet aux étudiants d'explorer les différentes options.

En complément, des outils comme des « portraits de soi », des « mind maps » et des « fiches de comparaison » sont utilisés pour aider les étudiants à réfléchir à leurs critères de choix. Le portrait de soi permet à l’étudiant de définir ses valeurs, ses compétences, ses besoins en matière d'apprentissage et ses aspirations professionnelles et personnelles. Le mind map, quant à lui, aide à visualiser l'ensemble des options et critères en jeu. Enfin, la fiche de comparaison permet de confronter les différentes filières en fonction de programmes de cours, aidant ainsi les étudiants à affiner leur décision.

Comment choisir l’outil d’orientation adapté ?

Le choix de l’outil dépend principalement des difficultés spécifiques rencontrées par l'étudiant. Selon Anne Verriest, le rôle du conseiller est d’identifier les obstacles qui empêchent l'étudiant de prendre une décision claire. Les outils sont ensuite adaptés en fonction des besoins spécifiques : certains peuvent être construits avec l'étudiant, d’autres sont disponibles en ligne gratuitement, et d'autres encore sont des exercices sur mesure.

Interprétation des résultats des outils

Les conseillers en orientation ne sont pas là pour imposer une décision à l’étudiant, mais pour l’accompagner dans sa réflexion. Anne Verriest souligne que l’étudiant est l’acteur principal de son parcours. L’objectif de l’entretien est de favoriser une prise de conscience des éléments qui influencent la décision, mais c’est l’étudiant qui décide. Les outils servent donc de support à cette démarche de réflexion, sans constituer à eux seuls des éléments décisionnels.

Quel impact sur la trajectoire professionnelle ?

Les tests d'orientation ne sont pas déterminants à eux seuls. Comme le rappelle Karin D’hoore, la réussite académique et professionnelle est influencée par une multitude de facteurs. L’efficacité des outils d’orientation a toutefois été démontrée dans la mesure où ils aident les étudiants à mieux se connaître et à faire des choix éclairés. Cependant, les trajectoires professionnelles sont façonnées par des éléments bien plus complexes que les résultats d'un test.

L’aspect commercial de l’orientation

Le domaine de l'orientation est parfois critiqué pour son côté commercial, notamment lorsqu'il s'agit de conseillers indépendants qui proposent leurs services contre rémunération. Selon Anne Verriest, le secteur de l’orientation est devenu un marché, avec des conseillers qui se positionnent comme des experts payants. Karin D’hoore souligne que certains parents sont rassurés en sollicitant des conseillers coûteux pour orienter le choix des études de leurs enfants, ce qui accentue ce côté commercial au détriment de l’accompagnement véritablement personnalisé et professionnel.

L'IA comme conseiller d’orientation

L'essor de l’intelligence artificielle soulève également la question de son rôle dans l'orientation. Si des outils comme ChatGPT peuvent répondre à des questions, Anne Verriest met en garde contre leur utilisation dans le cadre de l’orientation. Selon elle, l’IA peut fournir des informations générales, mais elle ne possède pas la capacité de comprendre les enjeux personnels de chaque étudiant, et selon chaque contexte. Karin D’hoore partage cet avis et souligne l’importance d’une réflexion guidée par un conseiller humain. L’IA peut être un outil complémentaire, mais elle ne saurait remplacer l’accompagnement humain, essentiel pour des décisions aussi cruciales.

En somme, les conseillers d'orientation à l’ULB adoptent une approche personnalisée, où l'accent est mis sur l'accompagnement humain, l'analyse des besoins spécifiques de chaque étudiant et l’utilisation d'outils d'orientation adaptés. Si l’IA peut faciliter certaines démarches, elle ne peut se substituer à l’expertise humaine nécessaire pour guider les étudiants dans leurs choix d’études et leur avenir professionnel.