Est-ce important de nommer, catégoriser les différentes identités ? Le président du Cercle LGBTQIA+, Loan Lissens, répond à partir de problématiques précises : la naissance de stigmates ou les maladresses liés au genre.
Catégoriser les différentes identités? Rencontre avec le président du cercle LGBTQIA+ de l'ULB
Bonjour Loan, peux-tu te présenter ainsi que le Cercle LGBTQIA+ dont tu es président ?
Loan Lissens
Je suis Loan Lissens, président du Cercle LGBTQIA+ depuis juin 2021. Ce cercle rassemble les jeunes lesbiennes, gays, bisexuel·les, trans, queers, intersexué·es, asexuel.les et toutes autres minorités de genre et minorités d’orientation sexuelle ou romantique.
Le cercle a été fondé en 1982 dans un monde qui commençait à peine à prendre conscience de l’existence des lesbiennes et des gays. Il a contribué à promouvoir des droits fondamentaux tels que celui du mariage ou de l’adoption pour les lesbiennes et les gays. Il a pour vocation d'accueillir toute personne intéressée par les sujets touchant aux droits LGBTQIA+, à la culture LGBTQIA+ et au rôle des personnes LGBTQIA+ dans la société d’aujourd’hui.
Est-ce important de mettre des mots sur différentes identités ?
Loan Lissens
Mettre un nom sur un groupe (et le définir) comble un manque de représentativité éprouvé par de nombreuses personnes qui ne se retrouvent pas dans une société majoritairement hétéro-cis-normée.
Cependant, nommer et définir des groupes d’appartenance ne permettra sans doute jamais à toutes et tous de se sentir correctement représenté·es; les identités des humains étant si complexes. Il faut garder à l’esprit que chacun peut se définir comme il en éprouve l’envie, et cette définition n’est en aucun cas définitive et engageante. Chacun demeure libre.
Catégoriser ne crée-t-il pas la naissance de stigmates ?
Loan Lissens
C'est le stigmate qui précède la volonté de s'identifier à la communauté LGBTQIA+ et non l'inverse. Plusieurs sociologues se sont intéressés à ces opérations de « retournement du stigmate ». (On parle de retournement du stigmate lorsqu’une personne ou un groupe de personnes s’empare d’un stigmate, c’est-à-dire une caractéristique pour laquelle ils sont stigmatisés et la revendique en tant qu’identité et fierté, ndlr).
L’humain a besoin de structurer son environnement et de se construire une image mentale normative. Celles et ceux qui s'écartent de cette « norme », définie implicitement par la société, peuvent se sentir pressé·es de révéler à leur entourage, voire publiquement, qu’ils s’en écartent. C’est ce qu’on appelle le « coming-out ». Dans une autre dynamique, pour revendiquer le devoir d’effacer cette normativité, certains ne révèlent tout simplement pas leur genre ou forme d’attirance.
Comment pallier les maladresses auxquelles les membres de la communautés LGBTQIA+ sont amenés à faire face ?
Loan Lissens
Pour éviter les maladresses, telles que le mégenrage (parler d’une personne en utilisant un genre dans lequel la personne ne se reconnaît pas, ndlr), nous devrions d'abord faire attention à la façon dont les personnes se genrent elles-mêmes, puis nous familiariser avec l’écriture inclusive et utiliser un langage le plus dégenré possible. La langue française étant fort genrée et binaire, ce n'est pas chose facile, mais l’entrainement et la pratique permettent rapidement d’intégrer l’écriture inclusive et un discours dégenré.
La sensibilisation doit commencer dès le plus jeune âge. Dans les programmes scolaires, il existe une invisibilisation des communautés LGBTQIA+. On pourrait intégrer, dans un cours formel à visée sociale, la découverte des différences d’êtres, tant en abordant les questions de genres que celles des attirances pour autrui. L’Écosse, précurseur, a inclus ce volet dans ses programmes scolaires depuis l’année passée.
En outre, dans l’histoire (enseignée à l’école notamment), certains écrits rapportent des faits de personnages homosexuels en usitant les termes « grands amis », plutôt que « couple ». Les termes choisis et transcrits dans des sources historiques peuvent faire croire, que l’homosexualité est récente, hors ce n’est pas le cas. Afin que les thématiques LGBTQIA+ ne soient pas perçues comme une nouvelle tendance, il faut aussi que les personnes LGBTQIA+ soient davantage représentées dans les manuels d’histoire (Alan Turing, Léonard de Vinci, Frida Kahlo…).
Pour dénoncer les actes queerphobes aujourd’hui, le Cercle LGBTQIA+ lance une page militante sur le réseau Instagram @balance_ta_queerphobie.