Audrey Aegerter est doctorante au sein de l’Atelier Genre(s) et Sexualité(s) (Faculté de Philosophie et Sciences sociales). On fait le point avec elle sur quelques notions telles que « l’identité de genre », « le sexe » ou « l’identité de sexe ». La chercheuse met toutefois en garde contre la volonté d’établir une sorte de lexique. Car ces termes ne sont pas figés : certains vont apparaître, d’autres vont disparaître. Et la façon dont on les définit peut aussi évoluer.
Les genres et les sexualités sont des constructions sociales qui évoluent
Est-ce qu’on peut donner une définition du genre ?
Audrey Aegerter
Le genre est un système qui classifie les personnes. Souvent on en parle comme de l’identité de genre. On dit d’une personne qu’elle est cisgenre si elle s’identifie au sexe qui lui a été assigné à la naissance et qu’elle est transgenre si son identité ne correspond pas à son sexe de naissance. Ainsi le genre correspond à la façon dont une personne s’identifie ; cela peut-être en hommes et en femmes ou quelque chose hors de ces cases. Aujourd’hui nous parlons beaucoup des personnes non-binaires mais il y a également les personnes a-genres, genres fluides ou autres catégories.
Il y a également le concept d’expression de genre, c’est-à-dire la manière dont une personne exprime son genre : les vêtements qu’elle porte, le fait de porter du maquillage… Notons que selon les époques, ce qu’on va considérer comme des artefacts typiquement féminins ou masculins va évoluer.
Qu’est-ce que le sexe ?
Audrey Aegerter
Bien que certains milieux, notamment conservateurs, ne font pas la distinction entre sexe et genre, les sciences sociales font la distinction entre les deux depuis les années 1970. Le sexe est biologique. Il recouvre des caractéristiques sexuelles primaires (les chromosomes, les hormones, le sexe interne et externe) et secondaires (la voix, la pilosité, les seins). On peut ainsi avoir des chromosomes XX, un vagin, des ovaires. Ces caractéristiques sexuelles primaires vont être majoritairement associées à une production d’œstrogènes qui vont amener le développement mammaire et peu de pilosité faciale.
Sur ces bases, on considère généralement qu’il y a deux constellations de sexes…
Audrey Aegerter
On a souvent pensé que le sexe était juste féminin ou masculin. Mais les définitions de ces deux sexes sont des constructions sociales. Il y a des bases biologiques mais on va établir des limites selon des critères arbitraires. Ainsi, il est établi qu’un clitoris ne peut pas faire plus de 5 millimètres. Pourquoi 5 millimètres ? De même, les taux de testostérone jugés acceptables pour une femme sont limités à 5 nmol/l de sang. Pourquoi 5 et pas 6 ou 4 ? Ces critères ont évolué et évoluent toujours. Aujourd’hui, seules deux constellations de sexes sont considérées comme acceptables et saines.
Des gens se retrouvent avec des corps sains mais qui ne rentrent pas dans ces limites. Elles sont alors médicalisées, souvent dès leur naissance… Parfois même avant. Ce sont des personnes intersexes ou intersexuées. D’autres termes commencent à émerger pour désigner toutes les autres personnes : on peut les qualifier de dyadiques ou d’endosexes. Ce sont toutes les personnes qui ne sont pas intersexes.
Qu’est-ce que l’orientation sexuelle ?
Audrey Aegerter
L’orientation sexuelle correspond à un désir pour une relation sexuelle et/ou romantique avec autrui. Ou de savoir qu’on en a pas : les personnes asexuelles ne ressentent pas le besoin d’avoir une relation sexuelle et romantique avec quelqu’un. Grâce au travail militant des organisations LGB, l’homosexualité a été dépénalisée et dépathologisée. Aujourd’hui, de nombreux pays européens autorisent le mariage pour les couples de même « sexe ». Malgré une forte évolution des droits pour les personnes LGBTQI, la société reste très hétéronormées. Les valeurs hétérosexuelles restent dominantes. Il est attendu qu’un personne soit hétérosexuelle, cisgenre et dyadique. En cas de doute, avéré ou présupposé, la personne risque de faire face à de nombreuses discriminations et violences.
De nouveaux termes apparaissent régulièrement pour désigner les différents identités de genre ou identités sexuelles. Vous, vous n’aimez pas l’idée de définir ces différents termes ?
Audrey Aegerter
Dans le milieu académique, on n’aime pas trop l’idée de lexique parce que cela fige les choses. Or, ces termes évoluent car ce sont des constructions sociales. Les termes répondent à des besoins personnels ou des stratégies militantes ou politiques. Ce n’est pas parce qu’un nouveau terme apparaît qu’une nouvelle identité apparaît. Par exemple, on parle beaucoup aujourd’hui de personnes non-binaires ; cela ne veut pas dire que ces personnes n’existaient pas avant. Elles n’arrivaient simplement pas à se regrouper sous ce terme. Cela répond à un besoin du mouvement ou de ces personnes. Certains termes vont apparaître, d’autres vont disparaître. La façon dont on les définit va évoluer aussi.
Audrey Aegerter
Audrey Aegerter est doctorante au sein de l’Atelier Genre(s) et Sexualité(s) (Faculté de Philosophie et Sciences sociales).