Sur base de quels critères médicaux détermine-t-on le sexe ? Que se passe-t-il lorsque le sexe n’est pas déterminé à la naissance ? Dans quelles conditions et selon quels critères intervient-on ? Cécile Brachet, endocrinologue pédiatrique à l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF) nous éclaire sur ces différentes questions.
La différenciation sexuelle chez l’embryon a lieu tout au long de la grossesse. Le sexe chromosomique (résultant de la rencontre de l’ovule maternel avec le spermatozoïde paternel) est habituellement XX chez les filles et XY chez les garçons mais il existe des exceptions.
Après l’établissement de ce sexe chromosomique, une cascade de gènes aboutit à la formation d’organes génitaux externes et internes différenciés. Lorsqu’une de ces étapes ne se déroule pas (pour une raison souvent génétique), le développement et l’aspect des organes peut être inhabituel.
« L’échographie anténatale évalue l’aspect des organes et des parties du corps fœtal, explique Cécile Brachet, endocrinologue pédiatrique à l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF). Les organes génitaux, peuvent avoir une apparence inhabituelle (ni typiquement masculine ou féminine) ou bien avoir un aspect habituel mais différer du sexe chromosomique (X,Y). On parle alors de variation du développement sexuel. »
Certains cas sont légèrement inhabituels (exemple : hypospade avec testicules en place dans les bourses), d’autres sont plus inhabituels (bourgeon génital de taille intermédiaire en pénis et clitoris, bourrelets génitaux d’aspect intermédiaire entre grandes lèvres et scrotum, absence de testicules ou d’ovaires fonctionnels, présence d’une structure utérine partiellement développée, d’un vagin interne par exemple). Ces cas menant à se poser la question du sexe du fœtus sont rares (environ 3 cas par an à l’Hôpital des Enfants Reine Fabiola).
Les cascades de gènes lors du développement embryonnaire sont complexes et les chromosomes X et Y ne sont pas toujours informatifs puisque le souci peut survenir dans un gène qui intervient APRÈS l’étape initiale des chromosomes X et Y.
« Les causes des variations du développement sexuel sont souvent génétiques et ceci permet de poser un diagnostic précis pour la variation rencontrée. Le diagnostic génétique permettra d’éclairer au mieux les parents et l’enfant concernés. Quant aux variations plus modérées de type hypospade non sévère ou insuffisance testiculaire, leur fréquence semble avoir augmenté. Cela fait penser que des changements environnementaux de type perturbateurs endocriniens en sont responsables », souligne l’endocrinologue.
Par rapport à la prise en charge, l’objectif est de comprendre ce qui a abouti (quel gène?) à la variation afin de pouvoir l’expliquer au patient et à ses parents. Et ainsi pouvoir les éclairer quant au devenir de l’enfant en termes de fertilité, identité de genre, fonction sexuelle ou qualité de vie (à la lumière des autres patients avec le même diagnostic).
« L’enfant est élevé dans un sexe déterminé mais on a pour objectif de ne pas prendre de décision irréversible avant un âge où le patient peut participer aux décisions concernant son anatomie », note Cécile Brachet.
Au niveau sociétal, moins de binarité et de stéréotypes de genres atténueront les tensions et difficultés rencontrées par les individus présentant une variation. Ainsi, les Soft Laws, lois librement interprétées et peu contraignantes, répondent au mécontentement des activistes intersexes en recommandant l’interdiction de toute chirurgie non vitale, qu’ils appellent mutilation.
En Belgique, un cadre législatif est en préparation pour interdire les opérations non nécessaires de mineurs sans leur consentement éclairé. Mais la notion de consentement éclairé est très délicate : à quel âge un enfant est-il capable de décider de l’aspect de ses organes sexuels? Il est délicat ou même impossible qu’un enfant intègre véritablement les concepts de développement du sexe, les implications en termes de fertilité et sexualité. Les choix faits par Hugo à 10 ans pourraient être regrettés par Hugo à 25 ans. Les expériences viennent avec l’âge et les préférences changent avec l’âge.
Il est difficile de dire si cette prise en charge chirurgicale différée mènera à des résultats meilleurs, égaux ou moins bons que la prise en charge aux alentours de l’âge d’un an qui était proposée jusqu’à il y a peu. En effet, l’expertise chirurgicale actuelle s’est faite chez des enfants en bas âge. De plus, on ignore si vivre avec des organes génitaux inhabituels sera jugé comme souhaitable par les enfants devenus adultes. Enfin, la question de l’attachement et l’acceptation par les parents est cruciale au bien-être d’un enfant et ne peut pas être balayée d’un revers de main.
Il ne faut donc pas négliger l’accompagnement individuel et familial (qui doit être remboursé). Des études à long terme sont nécessaires pour évaluer cette nouvelle prise en charge.
En conclusion, le développement du sexe d’un individu est vu comme un continuum. Le but est que les différences du développement sexuel soient vécues le mieux possible; que chacun s’approprie son histoire et se sente accepté, tant par ses parents et sa famille que par la société.