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Connecté·es mais fragilisé·es L’impact des réseaux sociaux

Un éclat de lumière colorée, des yeux rivés, un visage figé, un flot ininterrompu d’informations. Les notifications s’enchaînent, chaque vibration engloutit un peu plus que la précédente. Scroller, liker, partager, poster… Une immense usine où chacun travaille à plein régime. Derrière l’écran, un monde sans limites, où l’estime de soi se construit et se brise en un clic.

Les réseaux sociaux façonnent-ils une génération plus connectée et épanouie, ou piégée dans une spirale d’anxiété et de dépendance ? Entre bénéfices et dangers, la science s’interroge : quel est leur véritable impact sur la santé mentale des jeunes ? Explorons les secrets d’une influence aussi fascinante qu’inquiétante…

Sur base de l’expertise de Katia Castetbon, professeur d’épidémiologie à l’École de Santé publique.

Plus on est jeune, plus on est sensible à l'impact des réseaux sociaux. En fin de primaire, l’exposition aux réseaux sociaux peut avoir des effets particulièrement délétères. En revanche, une fois passé à la vie étudiante, les jeunes adultes ont la capacité cognitive et sociale de prendre du recul et de reconnaître les problèmes. Cependant, ce n’est pas le cas pour tous !

Une réalité existante juste amplifiée

Au début, les débats étaient dominés par des discours alarmistes, décrivant les réseaux sociaux comme des plateformes vectrices de mal-être, surtout chez les adolescents. Nombreux sont ceux et celles qui ont cru que les réseaux sociaux étaient uniquement néfastes. Principalement en raison de la manière dont l'image de soi y est véhiculée – souvent déformée, filtrée ou exagérée – montrant uniquement les aspects positifs de la vie de chacun. Cette distorsion de la réalité alimente encore les inquiétudes.

Cependant, ces préoccupations, bien que fondées sur des réalités, ont évolué avec le temps. Si les réseaux sociaux peuvent effectivement aggraver certains problèmes déjà existants, il est à noter qu’ils ne sont pas responsables de tout. Les adolescents et les jeunes adultes traversent des périodes de changements physiques, psychologiques et sociaux qui ont un impact. La gestion des relations sociales devient primordiale, et les jeunes peuvent avoir du mal à comprendre les autres, ce qui entraîne des réactions parfois excessives. Ces défis préexistaient aux réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ne sont pas responsables de ces problèmes, mais ils les amplifient et les mettent en lumière.

Ces fragilités, notamment en ce qui concerne l’estime de soi, la confiance en soi et certains troubles du comportement alimentaire sont donc exacerbées. Il est important de noter que l’ensemble des jeunes n’est pas concerné, seule pour une petite portion des jeunes, ces plateformes aggravent la situation (environ 15 % en 2022).

L’usage problématique des réseaux sociaux a des impacts négatifs sur la vie sociale et familiale : abandon d’activités quotidiennes, mal-être en l'absence d'accès aux comptes, ou mensonges envers les amis et parents. Toutefois, il est essentiel de rappeler que cet usage problématique n’est pas généralisé. Les jeunes gèrent généralement mieux ces plateformes que ce que l'on imagine. Ils arrivent à gérer les réseaux sociaux de manière similaire, voire parfois mieux, que la majorité des adultes Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les adolescents seraient plus vulnérables.

Le cyberharcèlement

Le harcèlement en ligne reste difficile à mesurer. Ce qui définit le harcèlement, qu’il soit en ligne ou en personne, c’est le fait que l’action soit répétée. Les actes, qu'ils soient graves ou moins graves pris individuellement, deviennent du harcélement par leur répétition : mises à l’écart, moqueries, humiliations.

Au primaire, ces comportements sont fréquents, mais ils tendent à diminuer au fur et à mesure que les adolescents gagnent en maturité. En secondaire, le harcèlement prend davantage des formes verbales ou de mise à l’écart, des actes qui peuvent être particulièrement douloureux pour les adolescents. Sur le long terme, il semble y avoir une stabilité des cas de harcèlement.

À noter que jusqu’en 2018, le terme "harcèlement" n’était pas aussi courant, les enfants ne comprenaient pas ce que cela impliquait exactement. Ce n'est qu'avec l'émergence du sujet dans les médias qu’il a commencé à être reconnu et défini.

Le cyberharcèlement reste rare : moins de 7 % des adolescents se déclarent victimes. Ces chiffres sont bas, car il faut d’abord se reconnaître victime et déclarer l’agression. Les insultes en ligne sont malheureusement courantes, mais cela ne signifie pas qu’elles constituent un harcèlement systématique. Toutefois, lorsque des vidéos humiliantes sont publiées et que des vagues d'insultes en résultent, l'impact est bien réel.

En outre, la question de savoir si les filles ou les garçons sont davantage victimes de harcèlement en ligne reste complexe. En effet, si les filles ont tendance à être plus présentes sur Internet, notamment au niveau du secondaire, et à souffrir davantage de l’usage problématique des réseaux sociaux, il n’est pas si simple de lier cette différence uniquement à leur genre. Les filles sont effectivement plus exposées, mais cette différence n’est pas aussi importante qu’on pourrait croire.

De plus, l'approche genrée est à nuancer, car elle peut invisibiliser certaines parties de la population. Les jeunes ne doivent pas être vus uniquement sous l'angle de leur genre, il est important de prendre en compte d'autres facteurs et de ne pas réduire les questions liées à l’utilisation des réseaux sociaux à cette seule dimension. Plutôt que de se concentrer exclusivement sur cette approche, il serait plus pertinent d’outiller tout le monde sur les risques liés à ces plateformes.

Pas que du négatif !

Les réseaux sociaux où les interactions sont principalement avec des amis proches semblent moins problématiques que ceux où les contacts viennent de l'extérieur.

Par exemple, avoir des amis dans la vraie vie avec qui on échange en ligne peut avoir des effets bénéfiques, car cela renforce le soutien social et la relation. Pendant la pandémie, par exemple, les réseaux sociaux ont soutenu de nombreux adolescents et jeunes adultes en leur offrant un espace de soutien social.

En revanche, certaines plateformes, comme TikTok, peuvent présenter des dangers, notamment à cause de leur contenu souvent peu régulé et de la pression sociale qu'elles peuvent engendrer. Mais dans l'ensemble, il est crucial de ne pas interdire totalement les réseaux sociaux, car pour une partie de la population, notamment les jeunes harcelés à l’école, ces plateformes peuvent offrir un soutien essentiel.

Pas de solution miracle !

Il est essentiel d’alerter et sensibiliser constamment aux dangers des réseaux sociaux. Cela passe par une éducation continue et l'information régulière, afin de leur fournir des outils pour mieux comprendre et gérer leurs interactions en ligne. Répéter ces messages est crucial pour leur permettre de prendre conscience des enjeux.

Sur le plan politique, la situation reste délicate. La circulation d'informations fausses et non vérifiées sur Internet est un problème majeur. Tout est mis sur le même plan, créant un tourbillon d'informations incontrôlées. Cela rend difficile la mise en place d'une régulation mondiale efficace et unifiée.

Enfin, il est important de noter que les jeunes adultes et adolescents sont exposés aux mêmes risques que les adultes. Ce n'est pas simplement un problème des jeunes, mais un défi qui concerne toute la société. La santé mentale est un enjeu global, qui touche toutes les générations, et il est plus qu’essentiel d’en prendre conscience pour mieux y faire face.

Les réseaux sociaux sont devenus une réalité incontournable de notre quotidien, et il est important de les intégrer de manière réfléchie tout en étant conscients de leurs impacts.