Passer au contenu
5
Article précédent Article suivant

Films, jeux vidéo, peintures... la guerre cette héroïne ! Représentations iconographiques de guerre

La guerre est un fait social qui bouleverse les cultures et époques. L’art peut être mobilisé pour crier à la révolte ou appeler à la paix. Les représentations iconographiques de la guerre et de la paix ont, tout au long de l’Histoire, aussi bien reflété l’horreur des conflits, les changements sociaux, que les avancées technologiques de la société. Elles mettent en jeu esthétisme, symbolisme et romantisation, et forgent l’imaginaire collectif.

Sur base de l'expertise de Christophe Wasinski, professeur en sciences politique (relations internationales), chercheur au REPI (Recherche et études en politique internationale) en Faculté de Philosophie et Sciences sociales.

Les premières représentations de la guerre remontent à l’Antiquité. À cette époque, elles sont majoritairement religieuses ou mythologiques, comme les fresques de guerriers dans les temples égyptiens, grecs ou romains.

Mise de côté durant la période médiévale pour des sujets plus religieux, la guerre est à nouveau représentée à la Renaissance. Des peintures, comme celles de Albrecht Altdorfer (« La bataille d'Alexandre ») et de Paolo Uccello (« La Bataille de San Romano »), dépeignent les horreurs de la guerre et la souffrance des soldats de manière réaliste. Les monarques et chefs de guerre, commanditaires des œuvres, cherchent à s’inscrire dans une dimension mythique : ils sont mis en scène à la manière des héros antiques. Cette héroïsation des grandes figures durant les moments glorieux permet la construction d'un roman national et de marquer la mémoire collective.

Au cours des siècles suivants, l'iconographie de guerre devient plus fidèle à la réalité de la guerre et de ses avancées techniques – notamment la puissance nouvelle et destructrice des armes à feu. Les nouvelles techniques picturales montrent la virulence et l'âpreté des combats.
Des artistes comme Pablo Picasso, de leur côté, dénoncent l’horreur de la guerre et promeuvent la paix. Des symboles comme le colibri ou le drapeau blanc sont démocratisés pour représenter la paix et la non-violence. L’iconographie de la guerre se politise.

Avec l'avènement de la photographie et de la cinématographie au XIXe siècle, la représentation de la guerre évolue encore. La guerre de Crimée marque un tournant : la photographie est utilisée de façon massive pour couvrir le conflit. Le quotidien des soldats devient objet d’information et d’art.

Des photographes tels que Robert Capa et Don McCullin capturent des images poignantes. D’autres, comme Alexandre Gardner, transmettent un véritable message critique de la guerre. Dans les films, par exemple, « All Quiet on the Western Front », les horreurs de la guerre sont montrées de manière encore plus réaliste.

Au XXe siècle, les guerres totales font rage. La propagande et la presse galvanisent alors l'opinion publique. Entre pouvoir de censure et propagande (affiches, cartes postales, peintures, caricatures et reportages officiels), États veillent. Le conflit mobilise l'énergie de la nation. Plusieurs ministères de la Guerre envoient au front des peintres et dessinateurs, mais aussi des photographes et cinéastes. Ils veulent façonner l’image d’une guerre propre et héroïser le sacrifice des soldats mobilisés. Le quotidien est abondamment illustré sous un jour avantageux.

Les représentations de la paix sont, elles, souvent liées aux mouvements sociaux. Des photographies de manifestants représentent la solidarité, l'espoir et le contre-engagement. La mobilisation des artistes va entraîner des formes de représentations variées, face à la bêtise de la guerre. Des films comme « Gandhi » montrent la non-violence et la lutte pour la paix.

Dans la culture moderne, les représentations de la guerre ont migré vers les médias numériques, comme les jeux vidéo et les films d'animation. Ces médias permettent de créer des images de guerre encore plus réalistes, interactives et immersives. Une rhétorique de guerres ludiques et embellies se démocratise. Ils ont cependant suscité des débats : la manière de représenter la guerre pose problème. L’Histoire est utilisée de façon biaisée, la guerre et la violence sont esthétisées pour répondre aux attentes des consommateurs.

Les artistes ont progressivement développé une vision critique de la guerre face à l’atrocité des combats. La représentation iconographique de la guerre a évolué, au fil des siècles, pour refléter les changements sociaux et les avancées technologiques. Les différentes formes de représentation, de la fresque religieuse aux jeux vidéo, ont toutes contribué à façonner notre perception de la guerre et de la paix.

Christophe Wasinski, professeur en sciences politique (relations internationales) à l'ULB - Faculté de Philosophie et Sciences Sociales)