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Les nuits climatiques

Le mardi 15 novembre, place Schuman, devant la commission européenne, avait lieu une conférence des Nuits Climatiques. Sous un chapiteau, citoyens, scientifiques et représentants de la société civile se sont côtoyés pour débattre le temps d’une soirée sur les enjeux du changement climatique. La conférence étant dédiée aux thématiques de l’éducation et de la diffusion scientifique, Prisme se devait d’être présent ! 

C’est François Collard, de Education4Climate qui ouvre le bal avec, en guise d’introduction, une étude menée auprès de 600 étudiants. Il en ressort que l’immense majorité, près de 87% d’entre eux, désire être formée à la thématique du changement climatique. Venant corroborer les résultats de l’étude, le SITO (Student In Transition Office), insistait sur ce besoin de formation et du refinancement massif de l’éducation, sinon, la jeunesse vivra de manière encore plus violente un changement auquel rien ne les prépare. 

C’est dans cette optique que Marek Hudon tente d’apporter un changement dans l’enseignement. Ce professeur engagé de la Solvay Brussels School en est à sa deuxième pièce de théâtre coproduite avec ses étudiants. Cette dernière aborde la thématique de la finance durable et se veut un changement de pédagogie valorisant pour les étudiants qui sont acteurs de leur propre projet en lien avec leurs études. Tout l’enjeux du débat était donc de savoir quelle place laisser à la liberté académique mais aussi, comment penser l’éducation d’aujourd’hui et de demain pour relever les défis climatiques qui se dessinent à l’horizon.    

Marius Gilbert (ULB) a également soulevé la question du rôle des universités. Le financement reçu par une université est lié à la fraction d’étudiant qu’elle attire, elle cherche donc à attirer un maximum d’étudiants ce qui peut entraîner un biais par rapport à son but. Quant à ce but, il existe une dichotomie entre l’éducation au service de la formation de futurs employés et celle au service de la formation de futurs citoyens. Du point de vue de cette citoyenneté, la vie sociale étudiante a parfois bien plus d’impact que les cours. L’université fournit certes des outils, mais son rôle reste encore parfois difficile à définir. Historiquement, l’université a un rôle ancré dans l’enseignement, mais d’autres se sont ajoutés progressivement. D’abord par la poursuite de la recherche universitaire, puis par les apports que celle-ci pouvait apporter en ce qui concerne ses contributions économiques. De nos jours, il s’ajoute à ceux-ci un rôle de médiateur entre les experts et la société notamment dans le cadre des médias pour la création d’une information de qualité à la disposition de tout un chacun. 

Des évènements comme la pandémie de covid-19 ont remis en question la place des scientifiques dans l’espace médiatique. Cette pandémie a également été révélatrice de la valeur accordée à la parole des experts en temps de crises et de l’incapacité de certaines rédactions à traiter en profondeur des sujets éminemment scientifiques, qu’il s’agisse de pandémies ou de phénomènes globaux comme le réchauffement climatique.  

Le réchauffement climatique est un phénomène lent, avec des changements se manifestant à l’échelle d’une vie humaine, aux causes et aux effets globaux, mais dont certaines conséquences catastrophiques peuvent se manifester de manière très localisée. Ces réalités entrent en contradiction avec les médias, qui sont plutôt dans l’instantanéité et la localité géographique des informations, comme le souligne Grégoire Lits (Université Catholique de Louvain). 

Tandis que certains médias « mainstreams » tentent de corriger cette contradiction en adaptant leur approche et leurs contenus, de nouveaux acteurs émergent avec une volonté de proposer du contenu plus pertinent vis-à-vis de la réalité du changement climatique. On peut citer par exemple, la chaine « Limit » lancée par Vinz Kanté. Motivé par l’envie de proposer du contenu qui fait sens, Vinz est convaincu qu’une telle chaine montre qu’un changement est possible et qu’il est nécessaire d’instruire les journalistes et les producteurs de contenu pour atteindre un traitement pertinent des enjeux créés par le réchauffement climatique.

Petit à petit les journalistes se sont détournés des experts du GIEC. Selon Grégoire Lits, les experts ne sont pas très enclins à partager leur savoir dans les médias. Il arrive qu’après une interview leurs propos soient déformés par les journalistes, c’est alors toute leur réputation dans la communauté scientifique qu’iels mettent en jeu. Les scientifiques sont la seule source fiable lorsqu’il s’agit de projections futures. Si certain.e.s pensent que les experts ont un devoir de communication, attendre des chercheur.se.s qu’iels soient aussi vulgarisateur.trice.s, c’est leur demander d’apprendre un nouveau métier.

Les journalistes ont eux aussi leurs lacunes. En Belgique, il existe très peu de formations au journalisme scientifique. Dans les cursus actuels il y a bien des cours de déontologie journalistique, nous apprend Grégoire Lits qui aimerait aussi pouvoir y instaurer des cours de sciences humaines. Il serait également intéressant de les former à la démarche scientifique, et au fonctionnement de cette communauté. Par exemple, les journalistes devraient reconnaitre qu’un bon expert tente d’abord de convaincre ses pairs avant de s’exprimer dans les médias. Pour Marius Gilbert, il est primordial d’investir dans la relation entre journalistes et scientifiques. Surtout pour combler la différence de temporalité. « Les scientifiques ont du temps mais un sujet très pointu, tandis que les journalistes ont peu de temps pour parler de sujets larges. » Il ajoute qu’un des présents rôles de l’université est d’œuvrer à cette médiation.